Une demande refusée
J’ai reçu une proposition d’inscrire à notre répertoire deux chansons d’apparence anodine : Je chante (Charles TRENET) et Le petit bonheur (Félix LECLERC).
J’y ai apporté la réponse suivante …que j’espère surprenante, instructive, et porteuse de prolongements :
- je chante (Charles Trenet / Paul Misraki) est en fait (malgré sa musique sautillante) …une ode au suicide par pendaison ! Dans un contexte de harcèlement anti-SDF (à l’époque entériné par la loi, le délit de vagabondage n’ayant été supprimé du droit français qu’en 1992 !) ! Après s’être pendu avec la « ficelle » qu’il remercie de l’avoir délivré de sa vie misérable, il revient en fantôme hanter les vivants… Je ne me sens pas vraiment de défendre une telle chanson…
- le petit bonheur (Félix Leclerc) est à peine mieux et est tout le contraire d’une chanson d’amour puisque dans le dernier couplet il promet de le fuir à jamais (l’amour), après en avoir été définitivement dégoûté « je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux ». C’est une chanson « contre » l’amour ! Au contraire de la « Non-demande en mariage » de Brassens, qui, malgré son titre, est, elle, une ode à l’amour le plus pur, le plus libre et le plus désintéressé. En plus écrite pour sa compagne de toute une vie, « Püpchen », enterrée à ses côtés ! (voir sa page wikipédia).
Généralisation
Je pense qu’on a tort de ne pas faire assez attention aux paroles : on peut arriver à des contresens nombreux et équivoques. Rien qu’en chantant au masculin une chanson écrite au féminin ou inversement : sans modification du texte, on chante en fait des amours homosexuelles… contre lesquelles je n’ai absolument rien, notez bien ! (et j’ai à mon répertoire personnel Une femme avec une femme, de Mecano, par exemple, très belle !), mais il faut être conscient alors de ce qu’on défend ! Pour « Mon amant de Saint Jean » par exemple, que je propose au répertoire, je dispose de deux versions, homme (Patrick Bruel) et femme (Lucienne Delyle)… avec des paroles différentes.
Traductions discutables
Exemples de trahisons majeures dans les paroles traduites
Si j’avais un marteau (succès de Claude François)
If I Had a Hammer a été composée par Pete Seeger et Lee Hays en 1949 dans le contexte de la lutte pour les droits civiques des afro-américains victimes alors de discrimations majeures. Les « brothers and sisters » dont il est question dans la chanson sont les frères et sœurs de couleur, sans aucun rapport avec la niaiserie familialiste des paroles de Vline Buggy (Claude François n’étant que l’interprète de la version française, pas son auteur).
Interprétation par Peter, Paul & Mary en clôture de la marche pour les droits civiques sur Washington, en 1963, devant le Capitole, juste avant que Martin Luther King ne prononce son célèbre discours « I have a dream ».
Le Pénitencier (succès de Johnny Hallyday)
The House of the Rising Sun est une chanson traditionnelle (auteurs inconnus ou incertains). Comme indiqué dans le lien, le sens le plus généralement donné aux paroles et de la lamentation d’un(e) pensionnaire d’une maison de prostitution de la Nouvelle-Orléans –> interprété au masculin, il s’agit donc de prostitution masculine. Dans la bouche de Johnny, évidemment ça sonnerait bizarre !
Ici la version la plus célèbre par les Animals (avec les paroles originales), mais allez aussi voir la version plus ancienne et rugueuse (et différente) de Woody Guthrie !
J’entends siffler le train (succès de Richard Anthony)
500 miles a été composé par Hedy West en 1961, et comme indiqué dans ce lien, parle d’un clochard (Hobo) embarqué sur un train de marchandises et se lamentant sur son sort misérable. Le deuxième couplet commence par « pas une chemise sur mon dos, pas un sou dans la poche… », paroles supprimées (pour acheter les disques de Richard Anthony, il fallait avoir des sous !) et remplacées par une romance amoureuse sans rapport.
À nouveau interprétation par Peter, Paul & Mary, qui l’ont fait connaitre au grand public américain.
Conclusion provisoire
La chanson française est très vaste et propose de très nombreuses et très belles chansons d’amour : je suis sûr que vous avez d’autres envies bien sympathiques, Gérald
