Préambule
Les malentendus sont principalement créés par l’ignorance et les fausses évidences.
– Ignorance de la manière dont sont faites (créées) les choses, ignorance de l’histoire (et de la géographie ! des cultures etc.), ignorance de la diversité des choix, des options, des références, des besoins, des contextes…
– fausses évidences de prendre une partie pour le tout (penser que son univers personnel est généralisable à tous), de confusion (entretenue) entre critères d’évaluation, de jugement, de classement… (par exemple confondre succès financier et qualité !)…
Pour un musicien
– La musique est constituée de sons et de notes.
– Les paroles sont un domaine à part, « rapporté » (plus proche de la poésie), et cela s’illustre par le fait que si la musique est un langage quasi universel, les paroles ne le sont pas !
– La musique se distingue de tous les autres arts par son caractère éphémère et abstrait. Tous les autres arts s’apprécient de manière statique, hors d’une contrainte temporelle (la timeline… exception pour le cinéma, qui l’utilise aussi, mais qui n’est pas abstrait, lui !).
– La musique n’a pas de lien direct (en soi ! pour le musicien !) avec la vue et les autres sens. Elle n’a pas de lien direct non plus avec l’argent.
– La musique a presque toujours eu une fonction. Et c’est sans doute une cause importante de malentendu : la confusion entre la fonction (l’attente du public, du donneur d’ordre / commanditaire… l’association à une activité, une esthétique, une démarche, un mode de pensée… ) et la nature presque technique de la musique liée.
Historiquement le problème n’existait pas
– Avant l’ère industrielle, les populations se déplaçaient peu, les groupes humains (en différents endroits du monde) se dotaient donc de musiques adaptées à leurs différents besoins (liturgie, danse, chant (transmission orale), activités rythmées (militaires), spectacles, fêtes etc.). À l’intérieur d’un de ces genres ou d’une de ces formes, la tradition jouait un grand rôle, les évolutions étaient progressives…
Les déplacements forcés et les chocs de culture ont fait éclater ces harmonies locales
– Guerres, esclavages, exodes ruraux, circulation de l’information ont tout bouleversé en à peine plus d’un siècle : formes musicales hybridées (musiques sud-américaines, jazz, musiques carribéennes, orientales et extrême-orientales (récemment : le Raï en Afrique du Nord, le M’Balak au Sénégal et dans la corne de l’Afrique etc.)
– progrès technologiques (dans le domaine instrumental et du son), et exploitation du sens de l’ouïe au profit d’autres sens (la vue mais également les phénomènes hormonaux ou physiques induits…)
Un résultat dispersé façon puzzle !
– Genres et utilisations contradictoires, opposés, et surtout cloisonnés à mort socialement. Pour des « teufeurs » la seule musique recevable, imaginable, est une techno hyper-puissante, associée à un mode de vie, de réunion, spécifique et exclusif. (et encore existe-t-il un nombre de sous-catégories hallucinant et qui s’excluent !). Aucun lien possible avec un jazzman ou un musicien classique ! Idem pour le métal, la chanson, le rock, le hard, et toutes les musiques orientales, africaines, polynésiennes ou à fonction spécifique : liturgique, militaire etc.
– Déjà dit : quand on est immergé dans un genre ou une culture, à la fois on n’en a pas forcément conscience (c’est l’univers naturel) et on peut rester dans l’ignorance de tout le reste, ce qui accroît la difficulté à relativiser, à prendre du recul, et à comprendre la nature spécifique de la musique qu’on aime ou dans laquelle on baigne.
La France, cas particulier d’une perte de repères
– Pour des raisons qui resteraient à préciser, à la différence des pays qui nous entourent et qui ont assez largement intégré les dernières évolutions de nature proprement musicale, la France (la population dans son ensemble) se trouve affligée d’une grande difficulté d’accès à la musique en général, une vraie difficulté de compréhension.
Il en résulte un grand nombre de malentendus et de difficultés dès qu’on tente d’apparier la carpe et le lapin… surtout en l’absence de lucidité sur la question et de volonté d’y remédier !
Je pourrais détailler (par exemple !) la manière dont l’absence de compréhension de l’after-beat dans l’hexagone (temps forts sur le 2e et le 4e temps, base de toutes les musiques modernes du jazz au rock) fait de nous la risée du monde entier (exemple de french rythm corrigé habilement par le musicien), à la différence notable de tous les pays qui nous entourent : Royaume-Uni et Allemagne évidemment, mais même Belgique doté d’une culture jazz historique très forte, …et rock aussi, cf. Classic 21 sur la RTBF !
Je ne le ferai que sur demande, au coup par coup, mais je suis certain que ces malentendus sont pour une grande part non seulement dans les difficultés du club mais plus généralement dans tout ce qui est activités musicales dans la France profonde (hors ilôts représentés par les conservatoires et vraies écoles de musique ou formations).
